Ville la plus visitée au monde, Paris est aussi l’une des plus sales. Si la propreté est l’affaire de la gestion municipale chargée d’évacuer les déchets, c’est aussi l’affaire de tous dans une période où les incivilités se multiplient. Des solutions existent. déCLIC 17/18 a mené l’enquête.
Le constat est unanime : Paris est très sale, montagne de mégots, trottoirs parsemés de papiers, sacs plastiques, canettes..., jardinières devenues poubelles, sans parler des millions de chewing-gum, cauchemars des agents de la propreté ou de cette épouvantable odeur d'urine ou encore des déjections canines.
déCLIC 17/18 a cherché dans ce dossier à comprendre cette dégradation et à rencontré les élus. Et tente de trouver des solutions pour que la capitale la plus visitée au monde ne soit plus classée dans les plus sales et que nous puissions arpenter nos rues avec plaisir.
Lors de la campagne des municipales, Anne Hidalgo s'était engagée à faire de la propreté une des priorités de sa mandature, priorité que nous retrouvons dans la feuille de route qu'elle a adressée avant l'été, à Mao Peninou, son adjoint chargé de toutes les questions relatives à la propreté, l'assainissement, à l'organisation et au fonctionnement du Conseil de Paris. Il est clairement écrit : « Je [Anne Hidalgo] souhaite qu'un effort particulier soit entrepris pour que Paris soit une ville plus propre et moins salie. [....]Tous les leviers doivent être actionnés pour améliorer la propreté de nos rues et des résultats visibles doivent être obtenus d'ici la fin de l'année. »
Une gestion des services de propreté à améliorer
Et pourtant, nos quartiers n'ont jamais été aussi sales que pendant le mois d’août. En pleine affluence estivale, les équipes de nettoyage étaient en sous-effectif. Défaut de management, d'organisation des congés.... ? Des employés municipaux dont les effectifs ont pourtant augmenté de 10 à 20 % entre 2001 et 2009.
Alors pourquoi ? Il est très délicat de remettre en cause le travail, souvent pénible et peu gratifiant des agents de la propreté, mais la gronde des habitants est aussi à prendre en considération. Nombreux sont ceux qui s'offusquent (et à juste titre car c'est avec les impôts locaux que sont rémunérés ces travailleurs, et la taxe de balayage a augmenté pour certains de 600 % en 2012) de la désinvolture de certains employés croisés au détour d'une rue, comme celui qui, muni d'un souffleur à feuilles mortes, n'a pas jugé utile de les ramasser après les avoir rassemblées, laissant le vent les disperser à nouveau. Ou ces deux autres qui, pendant que l'eau coule à flot dans le caniveau, fument tranquillement une cigarette ou téléphonent.
A la suite d’un rapport réalisé en 2010 par la Chambre régionale des comptes pointant en particulier le taux d'absentéisme largement plus élevé que la moyenne nationale chez les employés chargés de la propreté à la mairie de Paris, une députée reconnaît en off que certains agents posent effectivement problème. Quant d'autres pointent plutôt des lacunes d'encadrement.
Les "regets" de Bertrand Delanoë
Même si, comme l'écrit François Dagnaud, ancien adjoint au Maire de Paris, chargé de la propreté et du traitement des déchets, aujourd'hui maire du XIXe arrondissement. « Il est vrai que les services de la propreté travaillent en flux tendu : le premier dysfonctionnement a un impact immédiat et lourd sur la propreté, d’autant qu’il faut alors rattraper d’un jour sur l’autre le ramassage des volumes résiduels de la veille. »
Quatre ans après, Paris est toujours aussi sale, les habitants sont en droit de se poser des questions sur l'efficacité de leurs élus. Bertrand Delanoë, interrogé sur ses « regrets » déclarait le 12 mai 2014 à Canal + : « C’est vrai que, sur certains sujets, je m’aperçois que j’ai cédé trop vite à des choses trop conformes (comme le service de la propreté) miné par le conservatisme syndical et l’incivilité des Parisiens. »
Des incivilités qui perdurent
La première cause de cette saleté est l'incivilité et le manque d'éducation de bon nombre de nos concitoyens. Doit-on accepter cette habitude de jeter par terre quand on peut aujourd'hui trouver une corbeille presque tous les 100 mètres ? Cela pose particulièrement problème au pied des arbres, difficilement nettoyables qu’il y ait une grille ou de la terre et des gravillons. Devant un bistrot ou un restaurant, les pieds d’arbres deviennent de grands cendriers. On peut voir des commerçants balayer devant leur porte ; trop souvent, ils ne ramassent pas les déchets, négligemment jetés au pied des arbres.
Autre nuisance : des hommes urinent n'importe où. Un fait récent, que nous a confirmé Gilles Ménède, adjoint à la propreté du le XVIIIe arrondissement, lors de l'entretien que nous avons eu fin septembre. « Sur les 2000 procès verbaux effectués en 2013 dans le XVIIIe, plus de la moitié concernaient les épanchements d'urine. » Béatrice, la kiosquière de l'avenue de Clichy, ne supporte pas que son kiosque serve d'urinoir aux clients de la discothèque Le Titan Club.
Les dépôts sauvages d'objets vétustes perdurent. Les lieux de ces dépôts sont souvent les mêmes au point que certains riverains s’imaginent de bonne foi qu'ils sont autorisés. Les services de la ville les ont parfaitement identifiés et passent régulièrement les nettoyer.
100 000 tonnes d'objets chaque année
Pourtant, le service municipal d'enlèvement des encombrants (réservé aux particuliers) est performant. Il suffit d'appeler le 3975 ou de s'inscrire sur internet : encombrants.paris.fr. Chaque année, 100 000 tonnes sont ainsi enlevées. A quoi s'ajoutent les sacs de gravats, le plus souvent, le fait d'entreprises travaillant au noir.
Autre nuisance, les tags et les graffitis. Outre la dégradation des bâtiments, c'est aussi une agression visuelle dont le message peut être inacceptable. Là aussi, le nettoyage est gratuit : comme pour les encombrants, il suffit de contacter le service de la mairie sur paris.fr.
Quant aux déjections canines grâce à une verbalisation importante et un taux élevé des amendes (183 euros à l'époque), les possesseurs de chiens dans la grande majorité ont pris l'habitude de ramasser. Ce qui prouve qu'une forte amende peut être efficace.
Alors pourquoi avoir baissé l'amende à 35 euros ? Le taux de différentes amendes avait été plafonné par un vote de l'Assemblée nationale au printemps 2012. Un collectif d'associations (dont déCLIC 7/18) avait alors demandé aux candidats aux élections présidentielles de s’engager à ce qu’une nouvelle majorité législative rétablisse des tarifs d’amendes plus dissuasifs. Cet engagement avait été pris par le candidat Hollande. Deux ans après son élection, cela reste une promesse. Gilles Ménède nous a affirmé qu'elles seront effectivement doublées. Quand ?
Nos propositions pour nettoyer Paris
Une verbalisation dissuasive Il faut certes réprimer les incivilités, qui sont des contraventions mais il faut aussi largement augmenter le nombre des inspecteurs de le DPE (Direction de la propreté et de l'eau), actuellement au nombre de 6 pour le XVIIIe arrondissement et de 4 pour le XVIIe. Rehausser donc le tarif des amendes et étudier la possibilité que l'argent récolté soit automatiquement mis au service de la propreté (matériel, augmentation du nombre des verbalisateurs....).
Il faut également augmenter le nombre d'inspecteurs de sécurité de la ville de Paris à pied ou en VTT. Anne Hidalgo l'écrit dans sa feuille route à Mao Peninou : « Vous me ferez des propositions avant l'été pour renforcer nos actions de verbalisation en rapprochant les agents des trois directions de la Propreté, de la Prévention et des Espaces verts. Dans le même temps, en coordination avec Julien Bargeton, chargé des finances, vous me ferez des propositions s'agissant du montant des amendes, en examinant les pratiques dans d'autres métropoles. »
Examinez, examinez, mais sans perdre trop de temps : c’est urgent !
Pour Anne Peyricot, adjointe au maire du XVIIe, chargée de l'Espace public et des Transports : « Le montant de l’amende est une chose. La verbalisation en est une autre. Avec seulement 4 agents verbalisateurs pour couvrir tout le XVIIe, les propriétaires indélicats n’ont pas trop de souci à se faire. Il faut certes donner à la sanction un caractère dissuasif, mais il faut avant tout renforcer la présence des agents sur le terrain. La sanction ne fait certes pas tout, mais elle pousse a minima les plus réfractaires à y réfléchir à deux fois avant de récidiver. »
Quant à Gille Ménède pour le XVIIIe : « Il y a en effet une demande d'ordre républicain de verbalisation », tout en préconisant une éducation à la propreté. A notre proposition d'instaurer des travaux d'intérêt général pour ceux qui ne s'acquittent pas des amendes, Anne Peyricot répond : « J’y suis favorable par principe. On pourrait, par exemple, proposer au pollueur pris en flagrant délit de faire un choix : ou bien s’acquitter du montant de l’amende, ou bien la commuer en une demi-journée avec les services de la propreté. Ça s’appelle l’exemplarité de la peine. Mais les modalités de mise en œuvre d’une telle mesure excèdent de très loin les compétences d’une mairie d’arrondissement. »
Refaire une grande campagne pour l'éducation à la propreté, comme elle avait été faite pour les déjections canines. Dans les médias, dans les écoles et les lycées. Des cendriers aux portes des lycées ne seraient pas un luxe. Les bonnes habitudes se prennent très tôt.
L'idée d’un week-end nettoyage « Paris Fais toi belle » comme cela a été fait par les habitants autour du canal Saint Martin, avec l’appui de la mairie du Xe, peut être une excellente idée pour sensibiliser et responsabiliser les usagers. Gilles Ménède y est très favorable et serait prêt à aider les habitants et associations du XVIIe pour mettre en œuvre cette action. On annonce que ces Journées vont être étendues à l’ensemble de la ville - la première pourrait être le jour de l’Ascension 2015. Pour Anne Peyricot : « Les campagnes sur le tri sélectif dans les écoles ont produit des résultats surprenants par le passé. Les enfants finissant même par faire l’éducation de leurs parents sur le sujet. Aujourd’hui, nous accompagnons avec intérêt la Direction de la propreté et les écoles volontaires sur la mise en place de bacs de compostage. La sensibilisation dès le plus jeune âge est fondamentale. Le respect de l’environnement dans lequel on vit rejoint la question plus profonde encore du civisme et du rapport aux autres. [...] Après l'opération « Fumer nuit à votre quartier », nous initierons d’autres actions sur cette nouvelle mandature. »
Dans cet esprit, on apprécie les OCNA (Opération Coordonnée de Nettoiement Approfondi) qui allient information, intervention technique et répression. Une OCNA, à l’échelle d’un quartier, durant cinq jours, implique toutes les Directions de la Ville. Les trois premiers jours, nettoyage approfondi (balayage et lavage renforcés, mise au propre des grilles d’arbres, enlèvement des graffiti et de l’affichage sauvage, entretien des jardinières, réparations du mobilier urbain), couplé à une campagne de sensibilisation et d’information par panneaux.
Les deux jours suivants, les agents chargés de la verbalisation, CAPP et DPP, mènent des opérations à l’encontre de ceux qui ne respectent pas le règlement sanitaire départemental. Dans le secteur Grandes Carrières-Clichy, une OCNA a été organisée du 12 au 18 novembre 2014.
Multiplier les LCI (Lutte contre les incivilités). Gilles Ménède explique que les LCI sont des opérations coordonnées et conjointes entre les inspecteurs de la CAPP et de la DPP. Ces opérations de verbalisation tous azimuts visent particulièrement les points sensibles identifiés. Il y en a eu 4 en 2013, dans le XVIIIe arrondissement avec pour résultats autour de 150 PV dans la journée, la moitié visant des pisseurs. Gilles Ménède en demande une par mois.
Réformer les règlements de propreté régissant les commerces. Obligation de nettoyer leur pas de porte jusqu'au caniveau et de ramasser les saletés et non de les jeter dans les caniveaux ou au pied des arbres. Obliger les cafetiers et restaurateurs, qu'ils aient ou non une terrasse, à installer des corbeilles et des cendriers. Car, aujourd'hui, ils doivent solliciter une autorisation auprès de l'urbanisme et remplir un imprimé avant de le déposer à la Sous direction du permis de construire et du paysage de la rue de la Direction de l'urbanisme. Démarche que bon nombre de commerçants ne sont pas prêts à faire. Des sanctions ? Gilles Ménède cite ce café du quartier Château Rouge qui, récemment, s’est vu supprimer son droit de terrasse.
Remotiver et mieux encadrer les employés à la propreté. Dans sa lettre à Mao Peninou (mai 2014), Anne Hidalgo évoque parmi les objectifs : « fidélisation au territoire, redynamisation du rôle hiérarchique intermédiaire, création d’outils d’évaluation, diminution de l’absentéisme ». Selon Anne Peyricot « la privatisation n’est pas une fin en soi et encore moins un débat idéologique. Il s’agit d’être pragmatique et efficace pour remédier aux carences du système actuel, malgré toute la bonne volonté des services de la propreté. Il ne s’agit donc pas d’une volonté de privatiser à tout prix. J’ajoute que l’idée serait de privatiser la collecte (ce qui est déjà le cas dans plusieurs arrondissements), et non l’ensemble du service. La mairie de Paris, en déléguant une partie de ses compétences aux mairies d’arrondissement, ferait preuve de bon sens car c’est dans la proximité, au plus près des réalités du terrain, qui sont très diverses d’une rue à l’autre, que l’on est en mesure de faire vraiment évoluer les choses. »
Il serait également judicieux d'afficher dans les halls des mairies d'arrondissement le calendrier mensuel des nettoyages de chacune des rues de nos quartiers et surtout d’en informer par courrier les habitants.
Multiplier les sanisettes en étudiant de nouveaux modules plus petits (c’est prévu et on annonce 200 sanisettes supplémentaires dans la mandature). Et pourquoi ne pas obliger les cafés à laisser libre accès à leurs toilettes ou à offrir des toilettes payantes mais en limitant les tarifs du style 30 centimes l'entrée. Ils profitent bien de l'espace public qui leur est octroyé à bas coût ?
La question des emballages
Nous retenons le vœu d'Anne Hidalgo annoncé au conseil de Paris du 1er octobre d’interdire les sacs plastiques à usage unique, grand fléau environnemental de la planète. En espérant qu'une fois de plus cela ne reste pas un vœu pieux. déCLIC 7/18 souhaiterait que la mairie aille plus loin : envisager le remplacement programmé des bouteilles en plastique par des bouteilles en verre consignées ; demander également aux fast food de consigner leurs emballages, incitant ainsi leurs clients à les rapporter (actuellement, ces fast-foods sont tenus de ramasser leurs emballages, obligatoirement siglés, dans un rayon de 100 mètres : ce n’est pas fait).
Lors des municipales, l’idée a été lancée de la création de Brigades vertes regroupant les agents de la propreté et de la DPP, formés et habilités à verbaliser. Le plan de recrutement et de redéploiement des personnels des ateliers de propreté ne devrait pas être mis en œuvre avant la fin de l’année 2014.
Paris ne deviendra propre que si cette priorité d'Anne Hidalgo est accompagnée d'une volonté politique ferme et volontariste. Car, pour l'instant, nous avons le sentiment que les idées sont là mais qu'elles peinent à se concrétiser. Les années passent, les rapports se multiplient, les feuilles de route se succèdent et rien ne change. Et bien sûr d'un changement d'attitude de certains Parisiens.
Dossier réalisé par Philippe Limousin et Cécile Urbain
Pour être acteur de la ville
Avec l’application mobile gratuite DansMaRue, devenez acteur de votre ville en signalant les anomalies telles que malpropreté, graffitis, etc… DansMaRue est un dispositif de gestion des anomalies constatées sur l’espace public parisien dont l'objectif est d'améliorer la ville et de répondre au mieux aux attentes des Parisiens. Vous pouvez accéder - à l’application mobile téléchargeable gratuitement sur Play Store (pour Android), sur l'App Store (pour iPhone) et bientôt sur le Market Place (Windows Phone) ; - au formulaire internet accessible depuis paris.fr.
Le nettoyage à Paris en chiffres
• 236 bennes à ordure, 174 utilitaires encombrants, 227 laveuses de trottoirs.
• 29 000 km de trottoirs.
• 17 000 km de voies entretenues quotidiennement.
• 400 sanisettes gratuites et autonettoyantes, 166 toilettes publiques accessibles dans les parcs et jardins.
• 35 € : le montant de l’amende pour toute contravention au règlement.
• 1500 € : le montant de l’amende encourue pour les dépôts d’encombrants ou de gravats réalisés au moyen d’un véhicule.
Deux corps d’inspecteurs
• Les inspecteurs de sécurité sont assermentés et portent un uniforme. Ils sont en quelque sorte la police municipale de Paris. 732 inspecteurs de sécurité (ISVP) et 220 agents de la surveillance spécialisée (ASS) de la DPP interviennent, 7 jours sur 7, 24h/24, sur le domaine public de la ville de Paris pour assurer la protection de plus de 3 000 bâtiments, équipements et espaces verts. Ils assurent la sécurité et la tranquillité des usagers et des personnels municipaux, en portant une attention particulière aux publics les plus fragiles. Les inspecteurs de sécurité mènent des opérations de lutte contre les incivilités liées à la propreté dans l'ensemble des arrondissements de la Capitale. Ils sont amenés à effectuer des mises en garde mais également à verbaliser certaines infractions. Ils ont donc un rôle de prévention, de dissuasion et de répression.
• Les inspecteurs de la CAPP (Centre d'action pour la propreté de Paris) forment une section de la DPE, chargée de la verbalisation. Au nombre de 86 (chiffre 2011) dont 6 pour le XVIIIe et 4 pour le XVIIe arrondissement, ils sont organisés en équipes de terrain et en brigades d’intervention pour les opérations ciblées et les flagrants délits. Ces inspecteurs ne sont pas armés.