Depuis juillet 2020, la mairie du XVIIe est en travaux. Un chantier à la mesure du défi : mettre en beauté ce qu’un méchant blog présente comme « la mairie la plus moche de Paris ». La rue des Batignolles est fermée à la circulation sur toute l’emprise et pour toute la durée du chantier.
Lors de son inauguration le 10 janvier 1973, la mairie du XVIIe avait été présentée comme la première mairie parisienne du XXe siècle. Elle aura été la seule construite en ce siècle. Les mauvaises langues ajoutent « et c’est heureux ! »
C’est pourtant l’œuvre de deux architectes, Pierre Bure et Alfred Favre, prolixes durant l’après-guerre et la période de la reconstruction, dont la veine devait être épuisée pour ce bâtiment d’un style qu’on pourrait qualifier de pompidolien : béton armé mais façade revêtue de pierre d’Hauteville, allèges en alto-quartz façon marbre, menuiseries extérieures en aluminium. On a échappé aux balcons parés de plexiglas qui fleurissaient à cette époque sur les immeubles un peu chics.
Cette mairie du XXe siècle avait été fraîchement accueillie. Pourtant, le temps n’avait pas manqué pour la réflexion : depuis 1963, on parlait d’un concours d’architecture…
Dans le quotidien Le Monde du 10 janvier 1973, Alain Faujas, note si « l’avancée sur la rue de la salle des mariages est agréable avec ses grandes vitres teintées et agrémentées de flèches d’aluminium (la rénovation en cours n’y touche pas) […] la façade donne une impression de monotonie avec des fenêtres étroites et nombreuses séparées par de larges montants ».
D’une mairie l’autre
Avant cette mairie du XVIIe dont la façade est en travaux, sur le même lieu, un édifice, la première mairie de la commune des Batignolles, avait été inauguré le 21 octobre 1849 par Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, futur Napoléon III : banquet de 400 couverts, grand bal, feu d’artifice.
Œuvre de l’architecte Paul-Eugène Lequeux, grand prix de Rome, cette mairie était devenue indispensable. Alors qu’au début du XIXe siècle, il n’y avait aux Batignolles que quelques maisons et des exploitations agricoles, on commence à lotir sous le Premier Empire, les constructions se développent rapidement sous la Restauration et la Monarchie de Juillet : petites maisons avec jardin, immeubles de rapport. On compte 3 500 habitants en 1827, 14 000 en 1842, 65 000 en 1860 quand Paris annexe les communes suburbaines.
Entre temps, en 1830, les secteurs des Batignolles et de Monceau avaient quitté de la commune de Clichy, devenant une commune de plein exercice. Deux bâtiments administratifs sont édifiés 54 rue des Batignolles et 50 rue Truffaut, rapidement trop petits pour cette ville-champignon.
Enfin Lequeux vint
Avant d’être l’architecte de la mairie des Batignolles inaugurée en 1849, Paul-Eugène Lequeux avait agrandi l’église Sainte-Marie des Batignolles en 1834. Adolphe Azémar avait construit le théâtre des Batignolles en 1838 qui deviendra bien plus tard le théâtre Hébertot.
Après l’église, le théâtre, ces symboles d’une commune en plein essor aux portes du Paris d’alors, une mairie moderne s’imposait.
Pour un coût avoisinant le million de francs or, Paul-Eugène Lequeux construit un bâtiment abritant l’ensemble des services de l’administration municipale et des salles d’apparat. Trois niveaux en pierres de taille ainsi décrits : « En retrait de la rue des Batignolles, hautes fenêtres à chapiteaux triangulaires, pilastres corinthiens, consoles, avant-corps formant péristyle, immense campanile surmonté d’une horloge à quatre cadrans qui sera rasé en 1952 ».
En 1860, Paris absorbe la commune des Batignolles et, tout naturellement, la mairie des Batignolles devient la mairie du XVIIe arrondissement de Paris. Continuité au-delà du changement de statut, Auguste Balagny reste maire. Ses mandats successifs s’étendent de 1834 à 1870. L’édifice se révèle vite trop petit malgré l’annexion, en 1939, des deux écoles de filles et de garçons qui la flanquaient. Il faut dire qu’à cette date, le XVIIe arrondissement compte 221 000 habitants, bien loin des 26 000 de 1849.
Un projet de reconstruction qui prend son temps…
Un premier projet de 1941 est finalement rejeté en 1955… On envisage une cité administrative sur un vaste plateau au-dessus de la gare des Batignolles.
C’est en 1965 que le Conseil municipal adopte le projet de reconstruction in situ. Il était temps ! En 1973, Le Monde évoque « les fonctionnaires se rappelant avoir entendu le maire Richard Baret maugréer en contemplant les lézardes de son bureau : elle va me tomber dessus ! »
La mairie de Lequeux est démolie en mars 1970. Les services de la mairie s’installent provisoirement porte de Clichy, au 2 boulevard Berthier en attendant l’inauguration de la mairie de Bure et Favre qui intervient en 1973.
Un cache-misère ? Pas vraiment !
Il y a dix ans déjà, émergeait l’idée d’une façade végétale et pas seulement à Déclic 17/18. Un cache-misère ? Pas vraiment. Parmi les objectifs annoncés, améliorer les performances énergétiques du bâtiment, le confort thermique et acoustique, participer au programme de végétalisation de la ville et, enfin, moderniser l’image de la mairie et de sa façade sur la rue des Batignolles.
Les travaux en cours, pilotés par l’agence TOA, réalisés par l’entreprise Eliez, prévoient le remplacement des menuiseries d’origine par des menuiseries à ventilation haute, l’isolation extérieure, la création à chaque niveau de garde-corps filet surmontés d’une casquette-coursive, l’installation d’une centaine de jardinières suspendues où les végétaux seront installés en octobre 2021, saison propice.
Une couverture végétale sera aménagée sur le toit-terrasse : plus de 700 m2 de « toiture garrigue », 150 m2 de « zone gravillonnée toundra », des bacs ornementaux, des jardinières. L’ensemble pour un coût de 194 000 € hors taxes.
Pendant la durée des travaux et à cause de l’emprise du chantier sur le trottoir et la chaussée, la rue des Batignolles est fermée par un portail coulissant entre la rue des Dames et la rue Mariotte, Le cheminement des piétons est préservé le long de la façade de la mairie côté rue des Dames. Reprenons ce beau programme de l’agence TOA « la végétalisation de la façade offre l’opportunité de voir fleurir en période printanière et estivale l’emblème tricolore de notre nation ».
Philippe Limousin