Qui se souvient, en passant devant le 54 rue Nollet, aux Batignolles, que vécut àc ette adresse, de 1943 à 1945, Nicolas de Staël (1914-1955), l'un des peintres les plus importants du XXe siècle.
En dix années, de Staël vivra la problématique de la peinture telle qu'elle se posait durant l'après-guerre et le conflit qui divisait les partisans de l'abstraction et ceux de la figuration. Il s'imposera en créant un langage radicalement nouveau, à mi-chemin entre les deux.
Issu de la noblesse russe, d'origine balte, Nicolas de Staël naît en 1914 à Saint- Petersbourg. En 1919, sa famille émigre en Pologne. Exilé et orphelin, il se tourne très tôt vers la peinture en suivant les cours de l'Académie royale de Bruxelles. En 1932, il fait de nombreux voyages (Espagne, Maroc, Algérie, Italie).
Arrivé en France en 1938, il étudie la peinture auprès de Fernand Léger et peint alors des natures mortes et des portraits. En 1941, il s'engage dans la Légion étrangère avant d'en être démobilisé et de s'installer à Nice. Sa rencontre avec Braque en 1943 est déterminante. Travaillant sans relâche, il cherche à découvrir les rythmes simples de la nature et à pénétrer l'essence du réel jusqu'à l'épure, ce qui le conduit progressivement vers l'abstraction.
L'artiste brûle les planches
Durant l'été 43, quelques semaines après son retour à Paris, il s'installe au 54 rue Nollet avec sa femme Jeannine et leur enfants Antek et Anne. L'hôtel particulier de deux étages se dresse un peu en retrait d'un assez grand jardin où poussent des marronniers et des frênes, protégé de la rue par une grille (il a, depuis lors, fait place à une école à l'architecture très 1970). Encore meublé mais abandonné depuis deux ans, il appartient à l'architecte Pierre Chareau et à son épouse qui ont vécu une décennie avant l'Armistice et leur exil aux Etats-Unis. Les époux y recevaient, entre autres, Max Ernst, Braque, Picasso, Juan Gris et Max Jacob, leur voisin du 55 rue Nollet.
Staël transforme le grand salon du rez-de-chaussée en atelier. Une vie précaire s'organise durant laquelle il se consacre entièrement à la peinture abstraite, caractérisée par des lignes géométriques entrelacées, rythmant la toile sombre. Mais la faim et le froid sont là. Au fur et à mesure du temps, plusieurs pièces deviennent inutilisables. En effet, pour pallier la rudesse des hivers, de Staël utilise les lattes des planchers, le mobilier et même les portes pour se chauffer. Il tronçonne également les arbres du jardin.
En avril 1945, les impayés s'accumulent et la menace d'une coupure d'électricité, de gaz et d'eau se fait de plus en plus précise. La famille doit alors trouver dans l'urgence un hébergement provisoire. Nicolas et Jeannine se réfugient dans un minuscule studio à Montparnasse.
Un millier de toiles pour la postérité
En 1945, une exposition le révèle à un public d'amis. Un an plus tard, la mort de Jeannine le plonge dans une période d'abattement. Ses peintures abstraites atteindront leur développement extrême au cours des années 1951 et 1952. Puis, il retournera à la peinture figurative (paysages, portraits, natures mortes). A partir de 1952, il passe la plupart de son temps à Ménerbes (Vaucluse), puis à Antibes. Ses dernières peintures gagnent en fluidité et en couleurs et il produit alors quelques-unes de ses meilleures toiles : « Les toits », « Les footballeurs », « Les bouteilles dans l'atelier »... En 1954, il peint trois cents toiles sur le millier qu'il léguera à la postérité avant de se tuer, le 14 mars 1955, en se jetant par la fenêtre de son atelier, à Antibes.
Pour aller plus loin, consultez le site internet
Bibliographie : Le prince foudroyé, la vie de Nicolas de Staël, Laurent Greilsamer, Fayard, 1998.
Musées Musée national d'Art Moderne (Paris), centre Pompidou,
Musée d'arts modernes (Troyes),
Musée Unterlinden (Colmar),
Musée des beaux-arts (Lyon),
Musée de Grenoble,
Musée de Dijon,
Musée Picasso (Antibes).