Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Ce 12 septembre 2015, il pleuvait, il pleuvait... au point que, à 12h30, déCLIC 17/18 remballait, navré. Bruno Godard, est à l'origine de la Foire aux Livres; depuis toujours il en assume la responsabilité. Voici ce qu'il a écrit.
Il y eut la pluie. Beaucoup de pluie. Elle ne fut pas de fer, d'acier, de feu, de sang. Non ce n'était pas la rue de Siam. C'était la rue Davy.
Il y eut la pluie. Beaucoup de pluie aux immenses traînées ressemblant aux barreaux d'une vaste prison...mais il y eut sous les gouttes ces enfants concentrés lisant, sérieux et graves, Victor Hugo sur leur papier trempé, d'une voix ferme et appliquée.
Il y eut la pluie. Beaucoup de pluie comme des haillons qui pendent au ciel maussade et noir...mais il y eut sous les gouttes ces bouquinistes d'un jour recouvrement prestement leur étal précieux d'une bâche de fortune avant la première goutte. Réflexe amoureux.
Il y eut la pluie. Beaucoup de pluie, longue comme des fils sans fin, interminablement, à travers le jour gris...mais il y eut sous les gouttes ces regards amicaux, débordant d'empathie, aux sourires désolés, héroïquement stoïques sous leur parapluie ruisselants.
Il y eut la pluie. Beaucoup de pluie, une bruine qui tombe languissante et douteuse...mais il y eut ces vers libres du grand Victor Hugo lancés à haute voix dans un petit café d'une petite rue du tout petit Paris. Tandis que les guitares faisaient danser les rimes et que le crin d'archet chatouillait le silence à l'en faire frissonner, on entendait au fond le cliquetis discret des verres de comptoir, ceux -là mêmes que Blondin nommait verres de contact.
Il y eut la pluie. Beaucoup de pluie et le ciel bas pesait comme un couvercle...mais l'on vit malgré tout la petite troupe de la conférence itinérante s'envoler à l'assaut des rues du quartier et se réfugier bientôt avec ses musiciens sous le toit salvateur d'une loge de gardienne.
Il y eut la pluie. Beaucoup de pluie. Il pleuvait dans nos coeurs comme il pleut sur la ville...et pourtant pas un seul de vous ne manqua à l'appel, plus têtus que l'ondée, arpentant sans frémir cette rue bien pentue qui fatigue les jambes, à monter, à descendre. Fidèles et ponctuels à tous les rendez-vous, ce nest pas Boudu que vous avez sauvé des eaux, mais bien la fête aux livres.
Si la rue Davy était un alexandrin, vous en seriez chacun de vous et tour à tour la rime riche et couronnée, l'hemistiche et la césure, l'assonance et l'harmonie. Véritables artisans d'une poésie de rue.
Merci à tous pour cette année encore, d'avoir fait vibrer la rue Davy, narguant les nuages, faisant la nique au ciel...et la pluie : un magistral pied de nez.
En 2016, le marché au livres sera pluvieux...non, pardon, plus vieux. Plus vieux d'un an...alors la rue Davy, jonchée de livres, à nouveau gorgée de soleil, valsera au ciel bleu, sans paillettes, sans tralala, et les paraluie nous serviront d'ombrelles.
Bruno Godard, Responsable de l'organisation de la "Fête du Livre".