On croyait le projet tombé aux oubliettes, la création d’une Cité du Théâtre, au nord du XVIIe arrondissement sur l’emplacement des Ateliers Berthier, annoncée en octobre 2016 par François Hollande alors président de la République (voir le n° 33 de déclic17/18), semble redevenir d’actualité. Même si le problème du financement est loin d’être résolu !
Le projet de construire une cité du Théâtre à l’emplacement des ateliers de l’Opéra de Paris, boulevard Berthier a tout de suite fait l’unanimité. Il offrait au Conservatoire national supérieur d'Art dramatique, au Théâtre national de l'Odéon et à la Comédie française des capacités de représentation, de stockage, de répétition et d'accueil du public adaptées à leurs ambitions artistiques.
On espérait une ouverture en 2022, année au cours de laquelle sont célébrés les quatre cents ans de la naissance de Molière.
Cependant, depuis l'annonce de sa création il y a six ans, ce projet accuse de nombreux retards dans sa mise en œuvre. L’enveloppe budgétaire n’est pas à la hauteur du projet. De plus, la négociation entre la mairie de Paris, propriétaire du terrain, et l’Etat sur le prix de cession du foncier (estimé par l’Etat à 5 millions d’euros alors que la mairie centrale en réclame 12 millions) s’enlise.
Seuls les élus du XVIIe arrondissement (Brigitte Kuster en première ligne) et de la 3e circonscription de Paris (Stanislas Guérini et Caroline Yadan) ont continué à croire en ce magnifique projet de Cité du Théâtre, remettant inlassablement chaque année le sujet sur le tapis. Sans résultat notable hélas même si les nombreux ministres de la Culture qui se sont succédé (cinq depuis 2016…) ont chacun leur tour manifesté leur grand intérêt pour ce projet.
Le vote imminent du projet de loi de finances 2023 a poussé Geoffroy Boulard, maire du XVIIe arrondissement, à sensibiliser la nouvelle ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, et les parlementaires des deux Chambres au financement du projet et à s’assurer que les crédits nécessaires à sa réalisation soient pour le moins garantis.
Après avoir fait voter en juin dernier, en conseil d’arrondissement, un vœu pour que la mairie de Paris et l’Etat s'entendent sur le projet de la Cité du Théâtre, Catherine Dumas (sénatrice de Paris et conseillère de Paris du XVIIe) a rappelé le projet à l’attention de la ministre lors de la séance des questions orales au Sénat le 25 octobre dernier.
La Sénatrice a rappelé qu’un GIP (groupement d’intérêt public) regroupait depuis 2019 les trois institutions culturelles ainsi que l’Etat, que le Conseil de Paris avait voté à l’unanimité, fin 2021, la reconversion des Ateliers Berthier en une Cité du Théâtre et que la ligne budgétaire prévue et financée pour le déménagement des activités de l’Opéra Garnier (passée de 9 à 11 millions d’euros) n’avait pas été utilisée.
Une explosion des coûts
Dans sa réponse, la ministre de la Culture s’est félicitée de l’étude déjà réalisée par la Maîtrise d’œuvre et de la création d'un GIP dédié au projet.
Hélas les coûts ont explosé. Le budget initial de 86 millions d’euros (hors coût du foncier) est passé à 141 millions d’euros calculés sur la base de l’avant-projet sommaire réalisé par les architectes. Sans oublier les 60 millions d’euros pour l’aménagement de la nouvelle salle modulable de l’Opéra Bastille. Et le déménagement des Ateliers Berthier à la Bastille !
Un expert indépendant a été missionné et a proposé quatre scénarios qui permettraient de revenir à un niveau un peu plus proche du budget initial. Une décision sera prise prochainement, selon la ministre, en accord avec chaque institution, pour choisir un de ces scénarios. L’évaluation précise des surfaces et le montant de leur valeur foncière devra également faire l’objet d’une expertise.
Si l’opportunité du projet et l’engagement de l’Etat ne sont pas remis en cause, les conditions de son financement risquent de peser sur le projet initial.
Des voix s’élèvent déjà pour s’inquiéter de l’absence de calendrier et poser la question de la priorité de ce projet alors que les théâtres et les compagnies souffrent en province.
Vito d’Alessandro
Une nouvelle vie pour les Ateliers Berthier
Que sont ces Ateliers Berthier qui vont être transformés ? A proximité des fortifications, ces trois bâtiments de brique et pierre meulière ont été construits par Charles Garnier de 1895 à 1898, vingt ans après la livraison de l’Opéra de Paris. Ils sont destinés à abriter la fabrication et à permettre la conservation des décors et des costumes. L’ensemble de ces bâtiments a été classé aux Monuments historiques en 1990, hommage sans doute à Garnier.
En 2003, une partie des bâtiments accueille la troupe et les spectacles du théâtre de l’Odéon pendant les travaux de la salle historique proche du Luxembourg. Une salle de 480 places est aménagée. La Phèdre de Racine, montée par Patrice Chéreau, inaugure les lieux. Le provisoire va durer, le lieu sera pérennisé.
Le projet précise que l’Odéon y conservera sa salle portée à 800 places et complètement rénovée. S’ajouteront deux salles de répétition, dont une de 250 places pouvant accueillir le public. Des loges seront aménagées.
La Comédie française, en plus de la salle Richelieu historique, ouvrira deux salles aux Batignolles : une modulable de 650 places – déjà réclamée par Pierre Dux en 1970 et Muriel Mayette en 2014 – et une autre de 250 places. Elles remplaceront le Vieux Colombier dans le VIe arrondissement repris par la Comédie française en 1993 et le Studio-théâtre ouvert en 1996 au Carrousel du Louvre.
Le Conservatoire national d’Art dramatique, très à l’étroit dans ses locaux du IXe arrondissement où ne restera que le théâtre construit en 1811, récupérera aux Batignolles deux salles de répétition pouvant accueillir du public : 200 places, 100 places et une quinzaine de salles de cours.
Un centre de ressources mutualisé ouvert aux chercheurs et aussi à un public plus large sera constitué à partir du fonds, très riche, de la bibliothèque-musée de la Comédie française, du fonds de l’Odéon et de la bibliothèque du Conservatoire.